Brokeback Mountain Forever
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Brokeback Mountain Forever


 
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 Troublée

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wappa

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MessageSujet: Re: Troublée   Troublée - Page 2 EmptyJeu 13 Sep 2007 - 11:09

J'ai lu aussi cet article avec beaucoup d'intérêt , les premières phrases m'ont aussi surprise , comme toi Nanie mais elles ne sont en fait qu'un reproche fait aux médias et aux critiques qui ont rebaptisé le film "d'amour universel " , refusant ainsi le message de A.Proulx et Ang Lee , qui eux voulaient mettre le doigt sur le poids de la pression sociale et l'homophobie .......

agédie sociale, Brokeback Mountain, comme son nom anglais le laisse deviner, est le récit de deux êtres au “ dos brisé ” pour lesquels le “ retour ” au bonheur entraperçu est rendu impossible. Il ne peut qu’y avoir eu “ Brokeback Mountain ” dans le passé, et il ne peut plus y avoir “ Brokeback Mountain ” dans l’avenir. Pourtant, la fatalité du destin ne fige pas la réalité : bien au contraire, le film, adaptation pour le grand public d’un texte auparavant peu connu, donne à voir, par le jeu spéculaire propre au cinéma de fiction, quels sont les travers et les dangers de l’uniformisation morale de la sexualité. On peut donc être d’autant plus surpris de constater que les commentateurs et les critiques, censés être un tant soit peu objectifs ou du moins lucides, n’aient proposé qu’une lecture restrictive du film en niant la spécificité de l’amour homosexuel et du même coup en reproduisant les carcans idéologiques contre lesquels Annie Proulx et Ang Lee s’étaient insurgés. La morale sociale bourgeoise et judéo-chrétienne est encore loin d’avoir le “ dos brisé ”, elle demeure pesante sur les épaules des gays, Atlas modernes, contraints de supporter l’oppression fatale (ou sociale) pour ne pas risquer l’exclusion sociale (ou fatale).

C'est une remise en cause de l'opinion devenue courante sur ce film et à laquelle j'ai adhéré longtemps mais je crois que je dois revoir ma copie ! Wink
Et ( en mettant un peu de côté mon romantisme drunken ) je suis assez convaincue par cette analyse , une des meilleures que j'ai pu lire ! cheers
Germain , grand merci pour cet article que je garde précieusement dans mes archives pour y revenir de temps en temps , plus longuement ........ cheers
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Nanie

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MessageSujet: Re: Troublée   Troublée - Page 2 EmptyJeu 13 Sep 2007 - 12:04

wappa a écrit:
J'ai lu aussi cet article avec beaucoup d'intérêt , les premières phrases m'ont aussi surprise , comme toi Nanie mais elles ne sont en fait qu'un reproche fait aux médias et aux critiques qui ont rebaptisé le film "d'amour universel " , refusant ainsi le message de A.Proulx et Ang Lee , qui eux voulaient mettre le doigt sur le poids de la pression sociale et l'homophobie .......


Pourquoi reprocher aux critiques d'avoir voulu qualifié le film "d'amour
universel" ? Le message d'A. Proulx et Ang Lee était effectivement de
montrer la pression morale et l'homophobie, mais les critiques en
employant ce terme "d'amour universel" ont voulu eux aussi appuyer
les propos de l'auteur et du réalisateur en confirmant haut et fort que
l'amour de ces deux hommes était beau et précieux, que personne
après le visionnage du film ne pouvait plus penser que l'amour de
deux hommes était inacceptable ou immoral !

Pourquoi parler aussi d'une spécificité de l'amour homosexuel ?
à mes yeux, l'amour est un ! et dire que l'amour homosexuel est
"spécial" le met d'office hors normes, scandaleux et répréhensible.
L'amour est l'amour, point barre.

Comme ta signature le dit si bien adorable Wappa :
j'aime qu'on m'aime comme j'aime quand j'aime Wink
l'amour ne choisit pas il EST !
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wappa

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MessageSujet: Re: Troublée   Troublée - Page 2 EmptyJeu 13 Sep 2007 - 12:52

Oui , tout à fait d'accord avec toi , l'amour EST l'amour mais pourquoi nier qu'il est aussi homosexuel ? A une certaine époque , il y a eu des films sur des amours entre noirs et blancs , l'AMOUR était là mais tout le monde avait bien compris le message anti - raciste ..........Ici , ne se sont-ils pas aimés parce qu'ils sont d'abord homosexuels ? Sinon , rien ne se serait passé entre eux , qu'une solide amitié entre garçons un peu perdus . J'ai peur que pour certains critiques , le faire passer uniquement pour un amour "universel" c'est le faire mieux accepter par les " pas encore gayfriendly " , c'est à dire encore une fois atténuer leur problème , le rendre plus "acceptable" face à la société moralisatrice au lieu de l' éclairer dans toute sa vérité et toute sa cruauté . C'est , je l'imagine , ce qu'ont voulu faire passer les auteurs du roman et du film chacun à leur manière si différente . C'est comme ça que je le ressens aujourd'hui ..............et je comprends aussi qu'on le comprenne autrement ......... (encore que je ne trouve pas nos avis opposés , ils sont complémentaires je pense ) Wink

Allons - nous avoir l'avis des garçons sur ce sujet ?
J'attends avec impatience leur interprétation drunken
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Nanie

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MessageSujet: Re: Troublée   Troublée - Page 2 EmptyJeu 13 Sep 2007 - 13:25

wappa a écrit:
Oui , tout à fait d'accord avec toi , l'amour EST l'amour mais pourquoi nier qu'il est aussi homosexuel ? A une certaine époque , il y a eu des films sur des amours entre noirs et blancs , l'AMOUR était là mais tout le monde avait bien compris le message anti - raciste ..........Ici , ne se sont-ils pas aimés parce qu'ils sont d'abord homosexuels ? Sinon , rien ne se serait passé entre eux , qu'une solide amitié entre garçons un peu perdus . J'ai peur que pour certains critiques , le faire passer uniquement pour un amour "universel" c'est le faire mieux accepter par les " pas encore gayfriendly " , c'est à dire encore une fois atténuer leur problème , le rendre plus "acceptable" face à la société moralisatrice au lieu de l' éclairer dans toute sa vérité et toute sa cruauté . C'est , je l'imagine , ce qu'ont voulu faire passer les auteurs du roman et du film chacun à leur manière si différente . C'est comme ça que je le ressens aujourd'hui ..............et je comprends aussi qu'on le comprenne autrement ......... (encore que je ne trouve pas nos avis opposés , ils sont complémentaires je pense ) Wink

Allons - nous avoir l'avis des garçons sur ce sujet ?
J'attends avec impatience leur interprétation drunken


Suis d'accord avoir toi, nos avis ne s'opposent pas
et se complètent bien.

Aux garçons maintenant bounce bounce
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Nanie

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MessageSujet: Re: Troublée   Troublée - Page 2 EmptyJeu 13 Sep 2007 - 14:09

Germain a écrit:
Bon, j’ai lancé un bouchon auquel je n’attendais pas autant de passion de la part des «filles».
Donc : aux garçons maintenant ! Je me lance !

Je me demande si je ne suis pas un peu dépassé. D’accord pour dire que le procès d’intention s’adresse aux médias, plus précisément aux critiques cinématographiques qui ont trop rapidement classifié ces joyaux (nouvelle et film) dans les westerns gays, puis dans les histoires d’amour universel.

J’aime bien cette analyse malgré tout qui donne à penser sur la symbolique des choses ou des animaux dans le processus dramatique qui nous conduit au dénouement et pourquoi ce dénouement est comme ça et n’a pas pu être autrement.

En lisant la nouvelle, je n’avais pas apprécié à leurs justes valeurs les enchaînements, les longueurs ou les concisions de récits pour leur donner plus d’impact et amener l’histoire à son terme.

Je pensais que «Brokeback Mountain» n’était qu’une dénonciation de l’homophobie, qu’une espèce de reconnaissance de l’amour autrement, qu’une ouverture vers la tolérance. Je n’ai pas vu que les caractères des personnages interagissaient contre eux et les empêchaient de s’aimer, je n’ai pas vu qu’Ennis faisait tout pour que ça ne marche pas, je n’ai pas vu, etc …. Et pourtant j’ai lu et relu, comme une sale bête vicieuse, cent fois la nouvelle. Et pourtant j’ai vu et revu, en français, en anglais, en anglais sous-titré, sans le son parfois, comme un pervers insatisfait, cent fois le film.

Alors j’en aurai rien retenu et rien découvert qui soit assimilable à cette analyse plus que pointue ? Rassurez-moi et dites-moi que je ne suis pas le seul à voir les choses au premier degré quand il faudrait aller jusqu’au troisième pour pénétrer le domaine des Dieux ! Si je n’ai pas compris grand chose de BBM, dois-je me jeter par la fenêtre du rez-de-chaussée pour effacer la honte ?

Presque aurai-je dû avoir une explication de texte avant de me régaler de cette histoire. Mais quand je vais au ciné, je pense avant tout à me détendre, pas à me prendre la tête. Pourquoi (et on tourne en rond avec les mêmes interrogations) BBM nous a t-il tant marqué ? Pourquoi on ne s’en sort pas ? Pourquoi a-t-on changé ?

Allez, je sais bien que je suis pas à la hauteur de vos réflexions, vous avez raison les «filles» mais tant pis faut me prendre comme ça !!!

Germain

Je te rassure Germain, j'ai tout vu comme toi :

Je pensais que «Brokeback Mountain» n’était qu’une dénonciation de l’homophobie, qu’une espèce de reconnaissance de l’amour autrement, qu’une ouverture vers la tolérance

Et je le vois toujours ainsi.

Ensuite l'analyse des images, des mots, des plans, du caractère
des personnages, c'est au fil des jours et depuis presque 2 ans
que nous l'avons faite. On décortique, on écrit nos impressions,
nos poèmes pour montrer ce que l'on ressent, ce que l'on
imagine des sensations de Jack et Ennis. Mais ce n'est pas là
l'essentiel. Le plus important c'est ce que nous avons tous
ressentit en voyant ce film.

Quant à dire que tu n'es pas à la hauteur de nos réflexions,
je te détrompe !!! ta manière de traduire tes sentiments,
tes sensations, ta façon de rechercher un extrait, une idée,
toute cette passion avec laquelle tu nous livres ta façon de
voir les choses, c'est extraordinairement enrichissant et
je t'en remercie mille fois.

BBM c'est d'abord un film sublime, LE film, NOTRE film.
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NYCO

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MessageSujet: Re: Troublée   Troublée - Page 2 EmptyJeu 13 Sep 2007 - 14:34

waooow Shocked
que de belles reflexions sur un sujet si vaste...

pour ma part,je suis comme germain ,trés"premier degré" Rolling Eyes !

je ne cherche pas à dissequer le film ou la nouvelle,
tout est pour moi du ressenti,de l'émotion et la reflexion qu'ils apportent à nos vies !
car c'est bien parceque ce film (ou le livre)nous a amené à relechir sur nos vies (qu'elles soient homosexuelles,bisexuelles ou héterosexuelles) ,que nous nous retrouvons tous ici autour de ce forum!

donc que ce soit hétéro ou homo,noir ou blanc,arabe ou juif, l'amour se conjugue parfaitement au présent envers et contre tous avant que le temps ne vous le prenne!
voici le message que j'y ai trouvé... Neutral
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wappa

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MessageSujet: Re: Troublée   Troublée - Page 2 EmptyJeu 13 Sep 2007 - 15:22

Troublée - Page 2 Content-saute J'adore votre façon de voir les garçons !! Troublée - Page 2 Wink-176
Moi aussi je n'ai rien vu de tout ça les premières fois que j'ai vu le film .En fait , c'est la lecture de la nouvelle qui m'a un peu ouvert les yeux ; avec le coeur un peu moins au bord des larmes , c'était plus facile ! Dans cet article , les remarques sur les paraboles sont très intéressantes , elles apportent en effet un éclairage bien différent sur certaines scènes qui pouvaient paraître inutiles , elles sont aussi claires et faciles à comprendre . J'ai vu sur un autre forum des remarques beaucoup plus farfouillées et oniriques , pour ne pas dire "pour initiés " qui m'ont fait carrément rire , du style de la ligne d'horizon qui suit la ligne du corps allongé d'Ennis ou de Jack , des trucs tellement tordus ( pour moi , je le précise Laughing ) qu'ils m'ont fait douter un temps de ce que j'avais vu et compris sur l 'écran . Ce décorticage du film étant tellement systématique , il m'avait enlevé toute la belle innocence , la joie naturelle et les "sensations" que j'avais ressentie devant BBM , à me démontrer avec autant de force l'ampleur du message subliminal et asiatique de Ang Lee , j'en avais perdu mes émotions primitives lol! !!!!! Je suis revenue depuis , avec bonheur , à mes impressions premières , toutes en instinct et naïveté mais avec quelques clés en plus .........ouf !! flower


Dernière édition par le Jeu 13 Sep 2007 - 15:30, édité 1 fois
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wappa

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MessageSujet: Re: Troublée   Troublée - Page 2 EmptyJeu 13 Sep 2007 - 15:47

Oh que non Germain , jamais trop à mongoût drunken drunken drunken
Nous serons donc LA GENERATION BBM et j'en suis fière !
Aucun film ne m'a secoué comme celui-ci ..........et on ne peut pourtant pas dire qu'il me concerne mais je me sens concernée par osmose sûrement , par empathie et surtout au nom de l' amour avec un grand A !
flower

Spoiler:
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MessageSujet: Re: Troublée   Troublée - Page 2 EmptyVen 14 Sep 2007 - 20:03

Et une autre critique du film , et une !!



Il existe une certaine tendance dans la critique de cinéma, aussi bien française qu’étrangère, qui consiste, non pas à parler des films pour ce qu’ils sont, mais au contraire, pour des considérations esthético-formalistes et/ou des raisons idéologiques qui valent toutes ce qu’elles valent, à ignorer, voire vider ces mêmes œuvres de leur spécificité culturelle et politique. Pour la première parution virtuelle du Sofa, je propose de faire rien de moins que de prendre le contre-pied de cette tendance et d’envisager ces œuvres cinématographiques pour ce qu’elles sont réellement : des films gays. Et pour ce faire, je désire parler du dernier film d’Ang Lee, Brokeback Mountain.


Le déni d’Ennis


Un western gay. Des cow-boys homosexuels. Adapté de la nouvelle éponyme d’Annie Proulx, le dixième film d’Ang Lee, Brokeback Mountain, chronique mélodramatique d’amours masculines contrariées dans l’Amérique profonde des années 1960, a été accompagné, voire précédé, par des étiquettes qui siéent fort peu à cette œuvre magistrale. Du western, Brokeback Mountain n’emprunte que quelques signes extérieurs et superficiels : la tenue des deux protagonistes, le rapport de ces derniers à la nature (des cieux et des horizons touchant au sublime) et… ma foi, presque rien d’autre. Pas de représentants des peuples de Premières Nations. Pas de saloons encrottés, ou de chanteuses aguicheuses monroesques. Pas de Frontière. Même pas de vaches à attraper au lasso dans de verdoyantes plaines, ou de bisons à abattre. Drôle de western ! Il s’agirait plutôt ici d’un post-western. Nous sommes bien dans le milieu rural des cow-boys, mais ceux-ci ont changé, ou peut-être sont-ils simplement, et enfin!, devenus eux-mêmes, c’est-à-dire humains, aimant, souffrant, et pas forcément hétéros.
Brokeback Moutain (dont je rejette la traduction française, Le Secret de Brokeback Mountain, bêtasse et placardisante) serait plus justement décrit comme un mélodrame gay, dont le moteur narratif est l’homophobie (intériorisée et extérieure), et qui se déroule dans un milieu rural fondamentalement réfractaire aux différences sexuelles. Mais si ce long-métrage entretient un lien avec le western, c’est en fait pour le pervertir et exposer au grand jour ce qui n’a été généralement que suggéré dans d’autres œuvres cinématographiques : la promiscuité et l’isolement physiques vécus par ces hommes en milieu agricole (qu’il s’agisse d’ « authentiques » cow-boys à la John Wayne ou d’ouvriers agricoles comme dans le film de Lee) ne se limitent pas forcément à une camaraderie et une amitié viriles mais peuvent mener aussi à des relations sexuelles et des histoires d’amour. Brokeback Mountain vient donc régler son compte à une certaine hypocrisie hétérocrate et cinématographique afin de tailler un nouveau costume à un certain archétype monolithique masculin.
S’engouffrant dans une brèche ouverte par quelques films (tels que le beau, très beau Drôle de Félix d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau, et l’extraordinaire Boys Don’t Cry, de Kimberly Pierce, sortis respectivement en 1999 et 2000), Brokeback Mountain permet d’extirper l’homosexualité d’un milieu urbain où le cinéma - pour ne citer que lui - l’a trop souvent cantonnée. La ville est absente, ainsi que les communautés gays que celle-ci semble pouvoir abriter. Pas de lieux de rencontre ou de drague, pas de bars, pas de culture gay où les personnages pourraient évoluer, s’exprimer, s’affirmer, en un mot, vivre. Ici, les homos ne travaillent ni dans le monde de la mode, de la décoration intérieure ou celui des médias (où les gays sont à présent relégués depuis quelques années, et ce des deux côtés de l’Atlantique). Les deux personnages de Brokeback Mountain, Jack Twist (Jake Gyllenhaal, vrai héro romantique américain) et principalement Ennis Del Mar (Heath Ledger, brut et hypnotique), peinent à vivre leur sexualité et leur relation amoureuse, rendue illicite par la haine de soi, mais aussi la peur et l’homophobie environnante. En effet, le film de Lee traite moins d’homosexualité que de son impossibilité, ou tout au moins la difficulté d’exprimer et de vivre son homosexualité quand des individus sont privés d’amour propre, mais aussi d’un cadre discursif et d’une structure sociale qui pourraient favoriser leur affirmation...
L’action de Brokeback Montain débute en 1963, et se termine quelques vingt années plus tard. L’histoire est celle de deux jeunes hommes à peine sortis de l’adolescence et subissant de plein fouet la précarité économique. Hommes à tout faire, ouvriers agricoles sans but précis autre que celui de subvenir à leurs besoins immédiats, le blond Ennis Del Mar et le brun Jack Twist sont engagés par un contremaître taciturne (Randy Quaid, pête-sec à souhait) comme gardiens de moutons. Ils s’isolent donc pour plusieurs semaines au pied de la montagne Brokeback afin de s’occuper d’un millier de bêtes bêlantes en transhumance. Alors que s’égrènent les jours et les semaines, une connivence puis une amitié se tissent, et les tensions érotiques accompagnant la promiscuité des jeunes hommes finiront par se concrétiser au détour d’une soirée arrosée, loin du regard d’autrui (du moins le croient-ils) et des convenances et pressions sociales. Après le choc initial de leurs premières étreintes, viriles et passionnées, Jack et Ennis remettront le couvert, jusqu’à la fin de leur séjour dans ces paysages majestueux de l’Amérique du Nord. La fin de la saison de transhumance marque aussi la fin, on ne peut plus abrupte mais temporaire, de leur relation, qu’ils ne reprendront que quatre ans plus tard. Ennis et Jack sont respectivement mariés à Alma (Michelle Williams, au jeu subtil et transparent) et Lureen (Anne Hathaway, dont les diverses prothèses capillaires fonctionnent comme autant de signes risibles de l’embourgeoisement et la froideur croissante du personnage). Ennis et Jack sont aussi tous deux pères de famille (Lee montre au passage la non-contradiction entre homosexualité et parentalité). Mais tandis que Jack est prêt à tout abandonner pour l’homme de sa vie, femme, enfant, travail ennuyeux et beau-père aliénant, Ennis, lui, est dans le déni constant, et ne peut concevoir son amour pour Jack que comme une relation adultère épisodique. Car Ennis a peur, traumatisé, enfant, par la vision du corps en partie déchiqueté d’un vieux gay torturé et mis à mort. La relation des deux hommes sera donc réduite en quelques excursions champêtres annuelles. Mais de désillusions en frustrations, Jack se détache lentement de son amant pour, il est suggéré, vivre une nouvelle relation avec un autre homme. Jusqu’à ce que l’homophobie meurtrière le rattrape et le sacrifie dans un champ de campagne anonyme.
Le déni d’Ennis traverse tout le film de Lee, et lui sert de moteur narratif. Ennis est un personnage en souffrance permanente, incapable d’exprimer et d’accepter son amour pour Jack : la scène où le jeune homme se glisse derrière Jack pour l’enlacer est en ce sens essentielle. À la fois belle par la tendresse qu’elle dégage et terrifiante par le refus et l’incapacité viscéraux d’Ennis de regarder le visage de son amant. Ennis semble privé de langage même, tant sa diction est rendue difficile, voire incompréhensible, par les tensions irrésolues hantant le jeune homme. C’est avec la mâchoire bloquée comme par un coup de poing qu’Ennis tente de s’exprimer, les mots sont rares, pas toujours compréhensibles, et peinent à sortir de la bouche à demi fermée de Heath Ledger, acteur surprenant contraint à utiliser son corps et son visage pour transmettre le mal-être ahurissant et la haine de soi de son personnage.
Alors que Jack est prêt à couper tout lien avec sa communauté d’origine et aller vivre avec son amoureux au Mexique, semble-t-il le lieu de tous les possibles, Ennis demeure enraciné dans le peu qu’il connaît : la bourgade (fictive) de Signal dans le Wyoming (le film a en fait été tourné en Alberta, Canada, pour des raisons budgétaires), le modèle patriarcal du mâle hétérosexuel père de famille... Et ce ne sera qu’après la mort de son bien-aimé qu’Ennis, l’homme qui a toujours dit non, acceptera finalement de s’engager : tout d’abord en acceptant l’invitation au mariage d’une de ses filles, devenue une belle et douce jeune fille. Mais aussi (apothéose de ce romantisme tragique qui caractérisent les grandes histoires d’amour) en marmonnant un énigmatique ‘I swear’ (‘je le jure’), le regard fixé sur une carte postale jaunie de la montagne Brokeback et deux chemises (une chemise de Jack enfilée dans une chemise d’Ennis), mini mausolée secret dédié à Jack. L’engagement d’Ennis est certes ambigu, et fort tardif, mais suggère que le personnage est enfin dans une phase de reconnaissance et d’acceptation de ses propres désirs et sentiments.
Certes, on peut reprocher à Lee le naturalisme et l’académisme de son film, mais il serait injuste d’ignorer l’onirisme que le réalisateur emploie quand celui-ci tourne son objectif vers ces grandioses paysages nord-américains. Le fait de filmer une histoire couvrant deux décennies était une entreprise risquée, tant il est difficile de vieillir de façon crédible de jeunes acteurs : les fausses rides et rouflaquettes de Ledger et Gyllenhaal, ainsi que la moustache à la Freddy Mercury et le bide factices de ce dernier, pourront faire sourire, ou irriter. Mais Brokeback Mountain est principalement un film sur l’amour entre les deux personnages masculins, mais aussi certaines des expériences propres à la vie des gays et lesbiennes : la difficulté d’exprimer et affirmer son identité sexuelle dans un environnement réfractaire voire hostile, la difficulté de la déplacardisation, la peur, la haine de soi... Une image régressive, négative de l’homosexualité, ont argué certains critiques. Mais il ne s’agit pas tant de l’image de l’homosexualité que de l’impact de l’homophobie qui importe ici. L’homophobie, tout comme le racisme et le sexisme, tue, et refuser d’admettre et de représenter une telle réalité serait sans doute l’une des pires expériences de re-placardisation que l’on pourrait imposer aux communautés gays.
Brokeback Mountain est aussi une œuvre formidablement émouvante sur les non-dits, les conséquences des opportunités refusées ou manquées, c’est-à-dire certains thèmes qui transcendent les catégories sexuelles et les différences culturelles. Car il s’agit bien là d’un autre grand mérite du film de Lee : de permettre de parler de tous en partant d’une histoire d’amour entre deux hommes et d’enraciner simultanément l’homosexualité dans l’humanité. N’en déplaise à M. Vannestre.
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